La sfida della laicità in Francia
A Como il sociologo Portier

Domani pomeriggio un convegno in suo onore in Università

Ecco la versione francese dell’intervista di domani sul quotidiano

« Trajectoires historiques, sociologiques et politiques de la laïcité hexagonale » est le titre du symposium qui a lieu à Como demain après-midi (heure 15-18, via Sant’Abbondio 12, aula S.1.3) à l’occasion de la publication de « L’État et les religions en France. Une sociologie historique de la laïcité », par Philippe Portier (Presses Universitaires de Rennes, 2016). Programme: 15:00 Introduction: Alessandro Ferrari (Università degli Studi dell’Insubria), 15:10 Président de séance: Paolo Cavana (Università LUMSA, Roma). Discutants: Denis Lacorne (Sciences Po, Paris), Franco Garelli (Università degli Studi di Torino), Antoine Messarra (Conseil Constitutionnel du Liban). 16:00 : Pause café. 16:15 Président de séance: Michele Saporiti (Università degli Studi di Milano-Bicocca; Politeia). Discutants: Sara Domianello (Università degli Studi di Messina), Pierre-Henri Prélot (Université de Cergy-Pontoise), Roberto Mazzola (Università degli Studi del Piemonte Orientale). 17:10 Réplique de Philippe Portier (École Pratique des Hautes Études; GSRL). 17:50 Questions, débat, conclusions. Comité scientifique: Alessandro Ferrari (Università degli Studi dell’Insubria), Michele Saporiti (Università degli Studi di Milano-Bicocca; Politeia; GSRL).

En matière de laïcité le programme du candidat d’En Marche !, Macron, rappelle: « La liberté est la règle, l’interdiction, l’exception » pour qui « trop de Français confondent la laïcité et l’interdiction des manifestations religieuses ». Qu’est que vous pensez, professeur Portier ?

Depuis les années 1990, la laïcité française a connu un tournant sécuritaire. La peur de l’expansion islamiste a débouché sur une politique religieuse de contention de la religion musulmane dont témoignent par exemple la loi de 2004 portant interdiction des signes religieux ostensibles dans les écoles publiques et la loi de 2010 qui proscrit la dissimulation du visage dans l’espace public. Depuis lors, certains parlementaires ont déposé des propositions de loi visant à interdire les signes religieux dans les Universités et les entreprises. Emmanuel Macron est opposé à cette inflexion autoritaire. Son propos reprend la doctrine du Conseil d’Etat que le législateur a remise en cause, et, derrière elle, la philosophie libérale d’Aristide Briand qui a conçu la loi de séparation de 1905. Il s’inscrit aussi dans la ligne du philosophe Paul Ricoeur dont il fut l’assistant.

La présidente du Front national (FN) Marine Le Pen a durci sa position sur la laïcité, en prônant l’interdiction des signes religieux ostensibles dans l’espace public. Est cette vision du problème plus proche à l’opinion publique en France, en particulier dans les régions rurales ?

En fait, Marine Le Pen a une vision très autoritaire de la laïcité : il est l’instrument d’une limitation de la liberté religieuse, et plis spécifiquement de la liberté des musulmans. Elle est sur cette question en phase avec une opinion publique qui s’est considérablement durcies, toutes catégories confondues, sur la question du port des signes religieux dans les écoles, les universités, les entreprises. Aujourd’hui, 75% des Français accepteraient que la loi interdise le port des signes religieux ostensibles pour les usagers des services publics. Cette position massive, qui va à l’encontre de la loi de 1905, est moins affirmée dans les couches moyennes et supérieures, plutôt à gauche, et urbaines, de l’électorat, celles qui votent Macron.

Marine Le Pen a dit que les convictions religieuses soit protégée « dans la limite du raisonnable ». Peut-on définir une limite « raisonnable » ?

Les acteurs politiques et intellectuels français ont au cours de ces dernières années renoué avec l’idée de raison comme instance limitative de la croyance. Le mot peut renvoyer tantôt à des comportements rationnels (respectueux de la liberté du sujet), tantôt à des comportements raisonnables (conformes à l’éthique de la société). Dans l’esprit de Marine Le Pen, le mot « raisonnable » renvoie aux traditions de la société française, qui renvoient, de son point de vue, à un habitus national (lui-même de marque chrétienne) que les musulmans ont souvent le tort de vouloir remettre en question dans leurs pratiques alimentaires et vestimentaires.

Macron a rappelé qu’il souhaitait faire de l’égalité hommes-femmes une grande cause nationale. Comment réaliser la parité réelle entre un Etat - la France - ou la majorité des musulmans n’acceptant pas cette condition sociale ?

Il faudrait d’abord réévaluer la position des musulmans français en la matière : c’est une population plus clivée qu’on ne le dit sur la question des valeurs morales, même si elle est plus conservatrice que la moyenne de la population française. Mais cela ne gêne pas spécialement Macron : sans vouloir mépriser les conservateurs, il est favorable à l’évolution de la législation en matière de régulation de l’intime. Il a pris clairement position en faveur du mariage pour tous. Sur ce terrain aussi, il incarne le pôle libéral de la société française, particulièrement fort dans les classes moyennes et supérieures des grandes villes. L’élection présidentielle s’agence autour d’un triple clivage : social (classes supérieures/classes populaires), économique (mondialisation/protectionnisme), politique (Europe/nation) et culturel (libéralisme/conservatisme).

Sur quels principes repose la laïcité en France? Dans votre livre « L’État et les religions en France. Une sociologie historique de la laïcité vous fait l’examen des dispositions adoptée depuis les années 1960.

La laïcité de 1905 met en place un régime construit autour de deux traits essentiels. D’une part, la différenciation du politique. L’Etat se trouvé placé en surplomb du social : dissocié de la religion, il s’agence autour de ce que les républicains, cultivant l’héritage des Lumières, appellent la raison universelle, dont ils estiment qu’elle pourrait être commune à toutes les familles spirituelles de la société française. D’autre part, la privatisation du religieux. Il ne s’agit pas bien sûr d’éradiquer la croyance, ni même de la réduire à sa seule dimension cultuelle. Les Eglises peuvent, si elles le souhaitent, investir à leur gré l’espace de la délibération collective. Simplement, elles agissent désormais en dehors de l’espace d’Etat, et sans le soutien de la puissance publique. A partir des années 1960-1970, les Eglises sont comme réintégrées dans l’espace d’Etat : se met alors en place un dispositif de reconnaissance des religions, se traduisant notamment par une multiplication des financements publics pour les Eglises. A partir des années 1990, l’interaction entre le public et le privé s’est accentuée à la faveur des politiques de contention pointées plus haut.

Dans la culture musulmane la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses n’est pas claire, comment on peut penser une société ouverte ? Macron s’è persuadé qu’il pourra créer un « islam de France » la formation des imams sera complétée en France par un diplôme universitaire.

La politique de Macron en la matière n’a rien d’original. Il s’inscrit dans la ligne du Premier ministre actuel, Bernard Cazeneuve. Sa vision libérale ne l’empêche pas de vouloir acculturer les imams à la philosophie et à la logique juridique de la société républicaine. Sa visée est cependant très respectueuse de la loi de 1905 : il s’agit d’inciter, et non de contraindre. L’Etat doit respecter l’autonomie des cultes.

Le ’paradoxe’ de Böckenförde récit : «L’Etat libéral, sécularisé vit de présupposés qu’il n’est pas lui-même en mesure de garantir». Je crois que la vision politique de Macron est aussi proche à cette formule. Qu’est votre idée à propos ?

Je crois en effet, même si ses présupposés philosophiques sont différents de ceux –jusnaturalistes- de Böckenförde, que Macron mesure la difficulté aujourd’hui de tout agencer à partir du politique. Il croit volontiers à l’appui d’une transcendance qui pourrait se trouver à l’œuvre dans les récits des institutions religieuses, à condition qu’elles acceptent de renoncer à leur tentation intégraliste.

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